L'AVENTURE SPATIALE:
L'histoire des fusées

L’année dernière, pas moins de 114 fusées ont été lancées à travers le monde. Avec une moyenne de deux lancements par semaine, on en oublie parfois la prouesse cachée derrière ce nombre. D’où vient cette technologie et comment fonctionnent ces engins hors-norme?

Les "flèches de feu" chinoises

Dans l’histoire, la toute première utilisation documentée de fusées remonte au 13ème siècle, lorsque les chinois repoussent l’armée mongole à l’aide de flèches de feu lors d’une bataille qui s’est déroulée en l’an 1232. Fabriquées à base de poudre noire (un mélange explosif à base de charbon, de salpêtre et de soufre), l’ancêtre des feux d’artifice sème alors la panique dans les troupes adverses en effrayant les chevaux. Au fil des guerres, l’utilisation des fusées se répand ensuite rapidement à travers le monde.

Une fusée chinoise
Durant le siège de Kaifeng par les Mongols, les Chinois repoussent leurs ennemis à l'aide de « flèches de feu volantes ». Les fusées utilisées à l'époque, bien que n'étant pas très destructrices par elles-mêmes, permettaient de désorganiser l'armée adverse en provoquant la panique de ses chevaux.
Une fusée chinoise
Durant le siège de Kaifeng par les Mongols, les Chinois repoussent leurs ennemis à l'aide de « flèches de feu volantes ». Les fusées utilisées à l'époque, bien que n'étant pas très destructrices par elles-mêmes, permettaient de désorganiser l'armée adverse en provoquant la panique de ses chevaux.
Goddard pose devant sa fusée
Goddard pose en 1926 devant sa première fusée dite "à traction avant" (la tuyère étant située au-dessus des réservoirs). Baptisée Nell, elle atteindra une altitude de 12 mètres avant de retomber dans un carré de choux. Crédits: Esther C. Goddard

La fusée V2: un sinistre ancêtre​

Sept siècles plus tard, ce sont encore les militaires qui feront avancer leur développement technologique. D’abord théorisé par le russe Constantin Tsiolkovski (aujourd’hui considéré comme le père de la cosmonautique moderne), le moteur-fusée permet notamment à l’allemagne nazie de concevoir le missile V2. Développé une quinzaine d’années seulement après les travaux du pionnier Robert Goddard, l’engin sinistrement connu est souvent considéré comme la première véritable fusée opérationnelle.

Schéma d'un missile V2
1 - Tête explosive 2 - Gyroscope 3 - Guidage et radiocommande 4 - Réservoir d'éthanol 5 - Fuselage 6 - Réservoir d'oxygène liquide 7 - Réservoir de peroxyde d'hydrogène 8 - Bouteille d'azote pressurisé 9 - Chambre de réaction du peroxyde d'hydrogène 10 - Turbopompe 11 - Injecteurs éthanol/oxygène 12 - Châssis moteur 13 - Chambre de combustion 14 - Empennage (x4) 15 - Tuyère 16 - Déflecteurs de jet en graphite(x4) 17 - Gouvernes externes (x4). Crédits: Wikipedia/Pline

Le principe d'action-réaction

Lancement d'une sonde américaine
Lancement d'une fusée-sonde dérivée de la V2 allemande, photographiée en 1950. Ces fusées emportaient des instruments scientifiques pour mesurer les propriétés des couches supérieures de l'atmosphère. Crédits: NASA

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les fusées modernes ont beaucoup évolué, tant par leur taille que par leur complexité et leur puissance. Pourtant, elles utilisent toujours le principe d’action réaction pour décoller: selon la troisième loi de Newton énoncée en 1687, les actions de deux corps l’un sur l’autre sont toujours égales et de sens contraires. Ainsi, tel un ballon de baudruche qu’on laisse se dégonfler, les fusées génèrent une poussée de sens opposé aux gaz qu’elles expulsent par les tuyères de leurs moteurs.

Lancement d'une sonde américaine
Lancement d'une fusée-sonde dérivée de la V2 allemande, photographiée en 1950. Ces fusées emportaient des instruments scientifiques pour mesurer les propriétés des couches supérieures de l'atmosphère. Crédits: NASA
Vue d'artiste du SLS bloc 1
Le Space Launch System ou SLS est un lanceur spatial super-lourd américain développé par la NASA depuis 2011. La fusée de 98 mètres de haut comprend deux boosters à poudre (ergols solides) et un booster géant contenant deux ergols liquides: de l'oxygène et de l'hydrogène. Crédits: NASA

Qu'est-ce qu'un ergol?

Pour produire ces gaz, le système de propulsion des fusées brûle deux réactifs aussi appelés ergols: un carburant (réducteur) et un comburant (oxydant). En astronautique, le mot propergol désigne quant à lui le mélange de ces deux réactifs utilisés pour la combustion. A titre d’exemple, les boosters latéraux du SLS utilisent un propergol solide (un mélange de poudres chimiques compactées), tandis que son étage principal utilise des ergols liquides (de l’oxygène et de l’hydrogène).

Les systèmes de propulsion
Schéma illustrant la différence entre un moteur utilisant un carburant liquide ou solide. Source: http://pollutionespace.lescigales.org/detailfusee.html
Comparaison Falcon 9 vs Starship
Le Starship, entièrement réutilisable, sera presque trois fois plus puissant que la Falcon Heavy et pourra emporter plus de 1000 m3 de charge utile (pour une masse d'environ 100 tonnes en orbite basse), Crédits illustrations: YouTube/EverydayAstronaut
Atterrissage d'une Falcon 9
Image de synthèse illustrant l'atterrissage du premier étage d'une fusée Falcon 9. En revenant sur Terre, la fusée a consommé la majeure partie de son carburant. Plus légère, l'étage n'utilise qu'un seul des neuf moteurs pour ralentir sa descente. Crédits: Artstation/Christopher Remde

Pourquoi utilise-t-on des ergols liquides?

Comparaison Falcon 9 vs Starship
Le Starship, entièrement réutilisable, sera presque trois fois plus puissant que la Falcon Heavy et pourra emporter plus de 1000 m3 de charge utile (pour une masse d'environ 100 tonnes en orbite basse), Crédits illustrations: YouTube/EverydayAstronaut

Afin d’occuper un minimum d’espace dans les réservoirs, les ergols sont stockés à des températures extrêmement basses pour rester à l’état liquide. Contrairement aux boosters à poudre, la combustion du propergol liquide permet d’ajuster le flux de carburant injecté dans la chambre de combustion pour réguler la puissance de la fusée. Par ailleurs, les ergols liquides permettent le rallumage des moteurs, une technologie essentielle pour assurer le retour sur Terre des étages réutilisables comme ceux de la Falcon 9 ou du Starship.

Atterrissage d'une Falcon 9
Image de synthèse illustrant l'atterrissage du premier étage d'une fusée Falcon 9. En revenant sur Terre, la fusée a consommé la majeure partie de son carburant. Plus légère, l'étage n'utilise qu'un seul des neuf moteurs pour ralentir sa descente. Crédits: Artstation/Christopher Remde

Les secrets de la satellisation

Séparation du second étage du SLS
Animation de la NASA montrant la séparation du second étage du lanceur SLS, chargé de propulser la capsule Orion vers la Lune. Crédits: NASA

Pour placer un satellite en orbite terrestre, les fusées sont en effet construites en plusieurs étages. Cette structure permet de progressivement se débarrasser de tout poids mort qui ralentirait sa propulsion. Pour cette raison, à chaque fois qu’un réservoir est vide, il est largué afin d’alléger la fusée. Grâce à ce procédé, le second étage d’une fusée peut plus facilement atteindre la vitesse nécessaire pour mettre sa charge utile en orbite: la fameuse vitesse de satellisation.

Pour qu’un objet reste en orbite basse autour de la Terre, il doit en effet atteindre une vitesse minimale de 8 km/s, soit huit fois la vitesse d’une balle de fusil! Pour en savoir plus sur ce sujet, le Journal De l’Espace vous invite à voir (ou revoir) la vidéo consacrée à l’histoire des satellites!

Pierre-Henri Le Besnerais

Séparation des booster
Vidéo de la séparation des boosters d'une fusée russe Soyouz. Source: https://gifer.com/en/7yam
Séparation du second étage du SLS
Animation de la NASA montrant la séparation du second étage du lanceur SLS, chargé de propulser la capsule Orion vers la Lune. Crédits: NASA