Dream Chaser: la nouvelle navette spatiale

Après 30 ans de service et 133 lancements réussis, la navette américaine reste le vaisseau le plus iconique de toute l’histoire spatiale, et nous vous présentons aujourd’hui le Dream Chaser, le projet de la Sierra Nevada Corporation (SNC) qui pourrait bientôt révolutionner le transport de fret vers la Station Spatiale Internationale (ISS).

Les origines du projet

Pour rappel, après 30 ans de service et 135 lancements, la NASA a décidé de mettre fin à l’exploitation de ses navettes spatiales en 2011, trop coûteuses et vieillissantes. Grâce à cette décision, le budget dégagé permettra le lancement du programme Constellation pour développer la capsule Orion adoptée plus tard par le programme Artemis. Après le dernier atterrissage de la navette Atlantis au Kennedy Space Center, les Etats Unis dépendent à cette époque des russes et de leur vaisseau Soyouz pour envoyer leurs astronautes dans l’espace. 

La navette Atlantis se pose une dernière fois
Les traînées de vapeur suivent la navette spatiale Atlantis alors qu'elle se pose au centre spatial Kennedy de la NASA en Floride pour la dernière fois. C'était ce jour là le 26ème atterrissage nocturne du programme de navette spatiale et son 78ème atterrissage Kennedy. Il s'agissait aussi du 33ème et dernier vol de la navette Atlantis, après avoir passé 307 jours dans l'espace. ©NASA/Sandra Joseph and Kevin O'Connell

Les origines du projet

Pour trouver un véhicule de remplacement, l’agence spatiale américaine décide donc de lancer un appel d’offres auprès des acteurs du secteur spatial privé pour imaginer un nouveau moyen d’assurer le ravitaillement et la relève des équipages de l’ISS. C’est dans ce contexte, et notamment grâce au programme de Développement Commercial pour Équipage (CCDev), que la Sierra Nevada Corporation (SNC) s’est vue récompensée par un total de 100 millions de dollars pour développer le vaisseau qui pourrait faire renaître la légende des navettes spatiales: le Dream Chaser.

Explosion de la navette Challenger
Le 28 janvier 1986, la navette spatiale Challenger et ses sept membres d'équipage ont été perdus après la rupture d'un joint dans le booster droit, provoquant son explosion peu de temps après le lancement. Cette photographie rappelle que la longue carrière de la navette a malheureusement été marquée par la perte de 14 astronautes, notamment avec la destruction de la navette Colombia en 2003. ©Kennedy Space Center

Dream Chaser: une navette nouvelle génération

Le Dream Chaser est donc une mini-navette dont l’architecture s’inspire grandement du HL-20 (en photo ci-contre), un projet de véhicule spatial réutilisable imaginé dans les années 1980 par la NASA, et comme toute navette spatiale “classique”, le vaisseau de la SNC doit décoller verticalement sur une fusée avant de revenir sur Terre en vol plané grâce à sa structure dite en “corps portant”: en effet, les ailettes de l’appareil ne servent qu’à diriger et stabiliser le véhicule lors du vol plané.

Photo de la maquette du HL20
Ce modèle du HL-20 a été construit en octobre 1990. Cette maquette à l'échelle été utilisée pour étudier la stabilité du véhicule, pour tester les positions de l'équipage, ou encore la visibilité du pilote. Considéré comme un potentiel «taxi spatial», le HL-20 n'a finalement jamais été construit. ©NASA

Un premier vol plané à 4000 mètres d'altitude

Contrairement aux anciennes navettes spatiales américaines et à leurs ailes de 24 mètres d’envergure, le Dream Chaser utilise donc le profil de son fuselage pour générer la portance nécessaire pour planer, une technique déjà testée avec succès lors du largage par hélicoptère d’un prototype à quelques 4000 mètres d’altitude. Enfin, pour supporter la chaleur lors de la réentrée atmosphérique, le ventre de l’appareil est recouvert de tuiles isolantes composées d’un matériau appelé TUFROC: cette matière thermorésistante super légère est déjà utilisée sur le Boeing X-37 et peut résister à 1650 degrés celsius.

Une navette plus petite, mais plus flexible

Grâce à cette configuration, le véhicule de la SNC est six fois plus léger que la navette Atlantis et pourra ainsi parcourir jusqu’à 1500 kilomètres en vol plané avant de se poser sur une piste de longueur standard. Cette particularité offrira des alternatives en cas de besoin, comme par exemple lors d’un atterrissage d’urgence ou si les conditions météorologiques sont mauvaises à l’endroit initialement prévu. 

En se posant sur Terre comme un avion classique, le Dream Chaser permettra le retour d’expériences scientifiques fragiles, en évitant par exemple le choc de l’amerrissage sous parachutes d’une capsule spatiale standard comme celle du véhicule Dragon de SpaceX. Avec son avion spatial, l’entreprise SNC se démarque donc de la concurrence, et la mini-navette dont 90% des équipements sont récupérables pourra être réutilisée jusqu’à 15 fois, une caractéristique essentielle sur un marché déjà très compétitif.

Comparaison entre la navette spatiale et le Dream Chaser.
Image de synthèse: comparaison entre la navette spatiale et le Dream Chaser. ©SNC

NAVETTE SPATIALE

DREAM CHASER

Le Dream Chaser s'arrime à la station ISS
Animation de l'arrimage automatique du Dream Chaser et de son module cargo Shooting Star sur la station spatiale internationale (ISS). Contrairement à la petite navette cargo, le module Shooting Star n'est pas réutilisable. ©Images Sierra Nevada Corporation

Dream Chaser: Jusqu'à 5 tonnes de cargo pour l'ISS

Initialement prévu pour accueillir un équipage à destination de la station internationale, la version cargo du véhicule est finalement retenue en 2014 dans le cadre du deuxième contrat de Services de Ravitaillement Commercial (CRS-2) de la NASA, et le développement d’un module supplémentaire appelé Shooting Star est annoncé en 2019. En ajoutant cette extension au Dream Chaser, la SNC pourra livrer plus de cinq tonnes de cargo à l’ISS en un seul lancement, et offre la possibilité de débarrasser la station de ses déchets en les chargeant dans le module jetable avant de l’envoyer brûler dans l’atmosphère. En fin de mission, la mini-navette pourra quant à elle rapporter sur Terre près de 1700 kilos d’équipements et d’expériences scientifiques sensibles grâce à sa configuration d’aile volante qui permet un atterrissage tout en douceur.

Un premier vol en septembre

Il faudra patienter encore un peu avant de pouvoir voir le Dream Chaser rejoindre dans l’espace la capsule Dragon de SpaceX et le vaisseau cargo Cygnus de Grumman, puisque le premier modèle est encore en cours d’assemblage dans les ateliers de Louisville au Colorado. Surnommé Tenacity, l’avion spatial de la SNC sera lancé sur la fusée Atlas V de son partenaire United Launch Alliance (ULA) pour une mission SNC Demo-1, un premier vol orbital prévu pour le mois de septembre 2021.

Pierre-Henri Le Besnerais

Le Dream Chaser se prépare pour des tests.
Le véhicule Dream Chaser de la Sierra Nevada Corporation, ou SNC, est préparé pour des tests de remorquage en Californie. L'objectif: valider les performances des systèmes de freinage et d'atterrissage de l'engin spatial avant les tests complémentaires prévus plus tard cette année. ©NASA
Photo d'un drone Predator en mission de combat dans le sud de l'Afghanistan. La SNC a notamment participé au développement des train d'atterrissage de l'aéronef. ©U.S. Air Force Photo / Lt. Col. Leslie Pratt

Complément: la Sierra Nevada Corporation (SNC)

La Sierra Nevada Corporation (SNC) est une entreprise américaine privée basée à Sparks, dans le Nevada, spécialisée entre autres dans le développement de composants aéronautiques et dans les technologies aérospatiales et qui travaille pour le compte de l’armée américaine, la NASA ou pour d’autres entreprises spatiales privées. L’entreprise de 4000 employés a notamment participé à la construction des drones Predator utilisés pendant 25 ans par l’armée de l’air américaine et la CIA, ou encore à l’élaboration du projet de système d’atterrisseur habité (nommé HLS pour Human landing systems) proposé à la NASA par la compagnie Dynetics pour déposer les astronautes du programme Artemis sur la Lune.