ELT: l'Europe part à la conquête des étoiles

 

Le 19 juin 2014, une forte explosion brise le silence qui règne habituellement dans le désert d’Atacama: c’est le début d’un vaste chantier au nord du Chili, pour assembler l’Extremely Large Telescope (ELT), le plus grand télescope optique et infrarouge jamais construit dans le monde. Réputée pour son air pur et son climat sec, la région attire chaque année les astronomes du monde entier, et l’Europe a choisi ce site pour y installer son nouvel observatoire d’ici 2025.

Le 19 juin 2014, une forte explosion brise le silence qui règne habituellement dans le désert d’Atacama: c’est le début d’un vaste chantier au nord du Chili, pour assembler l’Extremely large Telescope (ELT), le plus grand télescope optique et infrarouge jamais construit dans le monde. Réputée pour son air pur et son climat sec, la région attire chaque année les astronomes du monde entier, et l’Europe a choisi ce site pour y installer son nouvel observatoire d’ici 2025.

Début du chantier de l'ELT
Une partie du sommet de 3000 mètres du Cerro Armazones est détruite pour nivellemer son sommet et y construire le plus grand télescope optique / infrarouge au monde: l'ELT. L'opération a été répétée plusieurs fois pour enlever un total de 220.000 mètres cubes de roches et installer la plate-forme de 150 mètres de large et 300 mètres de longueur. ©ESO

320 nuits claires par an

La construction du projet a donc débuté il y a plus de six ans, lorsque les ingénieurs ont fait sauter 11.000 tonnes de roches sur le sommet du Cerro Armazones, dans le nord du Chili. L’objectif: construire une plateforme de 150 mètres de diamètre pour y accueillir l’ELT, le plus grand télescope au monde, perché à plus de 3000 mètres d’altitude. Situé dans la cordillère des Andes australes, le site est mondialement connu pour la clarté éblouissante de ses ciels nocturnes, et son désert aride permet aux curieux d’observer les étoiles 320 nuits par an. 

Sur cette photo prise dans le désert d'Atacama au nord du Chili, la Voie Lactée s'affiche dans un panorama étoilé époustouflant. ©P. Horálek/ESO

Des conditions exceptionnelles

En effet, loin de toute activité humaine, les montagnes chiliennes offrent un panorama encore épargné par la pollution lumineuse des villes. Les reliefs aux alentours du site retiennent un air particulièrement sec qui limite la formation des nuages. Ces conditions exceptionnelles attirent chaque années de nombreux astronomes amateurs, et les agences de tourisme spécialisées fleurissent dans le pays, proposant aux voyageurs transport, hébergement, ainsi que le matériel pour l’observation des étoiles.

Un dôme de 74 mètres

Après l’inauguration du site en mai 2017, l’Observatoire Européen du Sud (ESO) a choisi le constructeur italien ACe Consortium pour prendre en main le chantier de l’ELT. Pour protéger ses optiques du soleil durant la journée, le projet prévoit l’installation du plus grand dôme jamais construit pour un télescope. Mesurant 84 mètres de diamètre à sa base, la structure culminera à 74 mètres de hauteur une fois que sa construction sera achevée. 

Image de synthèse de la montagne Cerro Amazones et du désert chilien. Situé près de l'observatoire Paranal de l'ESO, le site exceptionnel accueillera le futur télescope européen (E-ELT) et son miroir de 39 mètres de diamètre. Ici, le rendu de l'artiste montre à quoi ressemblera le télescope sur la montagne lorsqu'il sera terminé en 2024. ©ESO

Un télescope de 4700 tonnes

Tous les jours, quelques minutes avant le coucher du soleil, l’ELT pourra ouvrir son dôme grâce à deux grandes portes, offrant ainsi aux astronomes une ouverture de 45 mètres de large pour observer la voûte céleste. Posé sur une dalle circulaire en béton d’environ 10 mètres de hauteur, le télescope géant pourra déplacer ses 4700 tonnes en pivotant sur lui-même à une vitesse de 5km/h. Cette opération permettra notamment de compenser la rotation de la Terre pour pouvoir suivre le mouvement des étoiles dans le ciel chilien.

La conception optique de l'E-ELT diffère des autres grands observatoires principalement en incluant une optique adaptative dans le télescope lui-même. Dans sa configuration, l'ELT utilisera un total de cinq miroirs pour conduire la lumière vers ses instruments scientifiques, dont deux miroirs assurant l'optique adaptative. ©ESO
Vue aérienne de la plateforme d'observation au sommet du Cerro Paranal, où se situent les quatre télescopes de 8,2 m de diamètre du VLT, le prédécesseur de l'ELT, dont la mise en service date de 1998. Les structures rectilignes sont des supports pour les rails sur lesquels les télescopes peuvent se déplacer d'une station à une autre. Superposés à l'image, les faisceaux lumineux redirigés vers les instruments de mesure du laboratoire installé sous terre. ©ESO
Image de quatre segments du miroir primaire du futur ELT
Quatre segments du miroir primaire géant de l'E-ELT sont testés ensemble pour la première fois. Perchée à environ deux mètres au-dessus du sol, la maquette installée dans les ateliers de l'ESO en Allemagne permet le test grandeur nature d'une petite section du miroir et de ses structures de support. ©ESO

Une mosaïque de 39 mètres de diamètre

Pour pouvoir photographier le ciel et rediriger la lumière des étoiles vers ses instruments de mesure, l’ELT sera équipé d’un grand miroir primaire dit “segmenté”. Semblable à un grand puzzle, il sera en effet constitué de 798 pièces hexagonales de 1,4 mètre de large, toutes ajustées au nanomètre près pour former une mosaïque incurvée de 39 mètres de diamètre. À titre de comparaison, le Very Large Telescope (VLT) de l’ESO, mis en service entre 1998 et 2000, regroupe quatre télescopes dont les miroirs primaires mesurent 8,2 mètres de diamètre chacun. 

Avec son réflecteur géant, le successeur du VLT pourra donc capturer des images haute résolution beaucoup plus précises, notamment grâce à son optique adaptative. En effet, l’ELT pourra compenser les vibrations de sa structure et les perturbations atmosphériques en ajustant la forme de ses miroirs jusqu’à 1000 fois par seconde.

“On a besoin de décomposer la lumière des astres pour comprendre de quoi ils sont faits. Plus on veut comprendre ça finement - pour par exemple aller chercher des éléments dans des petites traces - et évidemment, plus on a besoin d’un grand télescope.”
Catherine Cesarsky
Astrophysicienne et présidente du Square Kilometer Array
Comparaison de l'ELT
Infographie comparant la taille du dôme du très grand télescope européen (E-ELT) à celle d'autres grands télescopes terrestres, en service ou en projet. ©ESO

L'ELT toujours en chantier

Il faudra encore être patient avant de pouvoir profiter des premières images du télescope européen, puisque sa mise en service ne sera pas effective avant 2025. On imagine alors l’excitation des astronomes quant aux nouvelles possibilités offertes par le miroir de 39 mètres de diamètre. Parmi les missions prévues, l’ELT sera chargé d’explorer le cosmos à la recherche de nouvelles exoplanètes.

 

Photo aérienne de l'avancement des travaux du ELT
Vue aérienne du chantier de l'Extremely Large Telescope (ELT). Perché à 3000 mètres d'altitude, l'observatoire devrait être achevé d'ici 2024 pour entrer en service en 2025. ©ESO
Image de la nébuleuse d'Orion
Cette image spectaculaire de la nébuleuse d'Orion a été obtenue à l'aide de la caméra infrarouge HAWK-I du très grand télescope (VLT) de l'ESO, au Chili. C'est la vue la plus lointaine jamais obtenue de cette région où naissent des étoiles. ©ESO

Quelles missions pour l'ELT?

Equipé d’une caméra infrarouge (MICADO) et de deux spectromètres (METIS et HARMONI), le futur télescope de l’ESO doit permettre aux astronomes d’observer les exoplanètes, c’est-à-dire des corps planétaires semblables à la Terre orbitant autour d’une autre étoile. Grâce aux  instruments de l’ELT,  les chercheurs seront  capables d’étudier leur atmosphère, l’histoire de leur formation, et pourront peut-être même les photographier! En observant les objets les plus lointains, le nouveau télescope fournira des indices précieux pour comprendre la naissance des étoiles, la formation des galaxies, et permettra de mesurer la vitesse d’expansion de notre univers.

Pierre-Henri Le Besnerais