ENCELADE: Un océan aux frontières de la vie

Encelade, l’une des 82 lunes de Saturne, fascine depuis des années les astro-biologistes. Le petit satellite qui orbite à 240.000 kilomètres du centre de la géante gazeuse est l’un des astres les plus lumineux du système solaire. En effet, malgré l’épais manteau de glace qui couvre Encelade, une source de chaleur maintient en profondeur un véritable océan liquide qui rassemble tous les éléments nécessaires à l’apparition de la vie!

Encelade
Comparaison à l'échelle de la taille d'Encelade et de celle de la Grande-Bretagne.

La découverte d'Encelade

Découvert le 28 août 1789 par l’astronome Frederick William Herschel et son télescope géant, Encelade est le quatorzième satellite le plus éloigné de Saturne. Nommé d’après le géant terrassé par Athéna durant la Gigantomachie de la mythologie grecque, l’astre est la sixième lune de Saturne par sa taille. 

Avec ses 500 kilomètres de large (soit un diamètre dix fois plus petit que celui de Titan), la surface projetée d’Encelade couvre à peine celle du Royaume-Uni. Pour cette raison, l’observation de la petite lune est restée extrêmement difficile jusqu’à l’envoi des premières sondes d’exploration dans les années 1980.

Saturne, ses anneaux et ses lunes
Encelade orbite à l'intérieur de l'anneau E, à l'endroit où celui-ci est le plus dense.
Saturne et ses anneaux
Mosaïque d'images de Saturne montrant ses anneaux (Jewel of the Solar System, Cassini en 2013125). Mosaïque d'images de Saturne montrant ses anneaux (Photos prises par la sonde Cassini en 2013). Crédits: NASA/JPL-Caltech/SSI/Cornell

Encelade et ses poussières de glace

Contrairement à Titan, Encelade orbite relativement proche de Saturne à seulement 128.000 kilomètres de sa surface nuageuse, au cœur de l’anneau E. Jusqu’à la découverte de l’anneau de Phœbé en 2009, cette bande constituée à plus de 95% de particules microscopiques de glace d’eau était considérée comme l’anneau le plus externe de la planète gazeuse

Selon les modèles astronomiques, Encelade est soupçonnée d’être – au moins en grande partie – la source des particules de glace qui constituent l’anneau qui partage son orbite.

ENCELADE: un cryovolcanisme actif

Les "rayures de tigre" d’Encelade

En 1981, des premières images renvoyées par les sondes Voyager révèlent que la petite lune de glace présente une surface relativement lisse, témoin d’une activité géologique récente. 

Pour obtenir des images de meilleure résolution, la mission Cassini-Huygens effectue entre 2005 et 2010 une vingtaine de survols rapprochés et découvre des indices flagrants d’un cryovolcanisme particulièrement actif au pôle sud. En effet, la surface d’Encelade est parcourue de fractures tectoniques, surnommées les “rayures de tigre”, le long desquels de véritables geysers éjectent des panaches de glace sur 200 kilomètres de hauteur.

Les rayures de tigre d'Encelade
Photo haute résolution d'Encelade prise par la sonde Cassini le 14 juillet 2005. La mosaïque de 21 clichés présente la face d'Encelade opposée à Saturne. Les clichés pris à différentes longueur d'ondes (de l'infrarouge à l'ultraviolet) ont été recolorés pour mettre en évidence les zones de fractures (en bleu). Crédits: NASA/JPL/Space Science Institute

Les mystérieux geysers de glace d'Encelade

Pour étudier ce phénomène, les ingénieurs de la mission Cassini programment plusieurs survols à moins de 50 kilomètres de la surface du satellite. Bien que les instruments de la sonde ne soit pas conçus pour détecter des traces de vie, ses capteurs infrarouges mettent en évidence des zones chaudes autour des rayures de tigre, tandis que le spectromètre de masse détecte la présence de vapeur d’eau, de molécules organiques complexes et de molécules d’hydrogène éjectées au niveau du pôle sud. 

Cette dernière découverte renforce l’hypothèse selon laquelle les dégazages de matière seraient liés à l’activité hydrothermale intense des fonds océaniques d’Encelade.

Les geysers d'Encelade
Le 30 novembre 2010, la sonde Cassini photographie les panaches de matière qui s'échappent des rayures de tigre de la petite lune de Saturne. Crédits: NASA/JPL-Caltech/Space Science Institute
Température d'Encelade
Plan rapproché des "rayures de tigre" d'Encelade. Le chiffre au-dessus de chaque carré indique la température moyenne (en kelvins) des surfaces encadrées. Les fractures visibles sur cette photo font 1 à 2 kilomètres de large pour une centaine de longueur. Crédits: NASA/JPL/GSFC/Space Science Institute

Un trésor caché ?

Pour les astro-biologistes, l’océan caché sous les glaces d’Encelade contient donc le cocktail idéal pour permettre l’apparition d’une forme de vie primitive: de l’eau liquide, une source de chaleur et un noyau poreux source de minéraux complexes. Tout comme certains micro-organismes terriens, le fond des mers d’Encelade pourrait donc abriter des formes de vie primitives qui survivent sous sa croûte glacée grâce à la méthanogénèse

Sur Terre, ces voies métaboliques permettent à certains procaryotes de produire leur énergie (du méthane) à partir de CO2, d’hydrogène ou de composés organiques variés.

Schéma d'un "geyser froid"
Modèle dit du « geyser froid ». De l'eau s'échappe de poches situées en profondeur à une température proche du point de fusion (273 K), pour se sublimer à la surface du satellite. La radioactivité du noyau, ainsi que l'action des forces de marée, contribuent à maintenir ces poches à température. Crédits: wikipedia/historicair
Schéma d'une source hydrothermale
Les sources hydrothermales, situées au niveau des dorsales océaniques, sont formées au niveau des dorsales océaniques. L'eau s'engouffre dans des failles pour se réchauffer avant de remonter par des "cheminées". Ce processus permet à de nombreuses formes de vie de survivre au froid et à la pression des profondeurs marines. Crédits: Les dossiers de la recherche n°2 fevrier-mars 2013 "Les origines de la vie"

SATURNE: un oasis de vie?

Il y a-t-il de la vie sur les lunes de Saturne?

Depuis les découvertes de la sonde Cassini, plusieurs missions d’astrobiologie sont à l’étude pour partir à la recherche de traces de vie dans le système saturnien

En attendant le développement d’une mission capable de prélever in-situ un échantillon des fameux geysers d’Encelade, le quadricoptère de la mission Dragonfly décollera en 2027 pour étudier la chimie organique d’une autre lune fascinante de Saturne: Titan!

Pierre-Henri Le Besnerais

Dessin d'artiste de Dragonfly
Dragonfly posé sur le sol de Titan, son antenne déployée pour communiquer avec la Terre.