Depuis le début de son programme spatial il y a plusieurs décennies, la République Populaire de Chine n’a cessé d’étendre ses ambitions et sa soif de progrès technique dans l’espace. Cela s’est particulièrement remarqué ces derniers temps, avec notamment la multiplication des lancements, l’étroite collaboration avec l’agence russe Roscosmos, l’élaboration de missions lunaires, martiennes et maintenant, le début de la construction de sa nouvelle station permanente Tiangong.
Mais que savons-nous réellement sur cette nouvelle station qui pourrait bien succéder à l’ISS ?
Un pays, plusieurs institutions
Basé sur des technologies soviétiques, le programme spatial chinois commença dans les années 1960, régi par ce qui devient le ministère de l’Industrie Aérospatiale (dissous en 1988). Celui-ci fut divisé en deux organisations : l’agence spatiale CNSA (Chinese National Space Administration, fondée en 1993), chargé du développement des activités spatiales, et la CASC (China Aerospace Science and Technology Corporation, crée quand à elle en 1999), qui coordone et gère l’aspect stratégique du programme. Ces deux institutions sont aujourd’hui sous la tutelle du ministère de la Technologie de l’Information et Industrielle. Bien évidemment d’autres existent, toutes sous l’égide du Parti Communiste Chinois.
Le programme spatial habité
L’idée que la Chine puisse envoyer des hommes dans l’espace se concrétisa en 1992, par le biais du Projet 921, prévu sur le long terme. Celui-ci se composa de trois phases : – Premièrement l’envoi d’astronautes en orbite, – Suivra la mise en place d’une station temporaire, – Enfin la construction d’une station modulaire permanente.
La premier pas est franchi le 23 octobre 2003 , lorsque Yang Liwei effectua un voyage orbital à bord d’un vaisseau Shenzhou. L’expérience est renouvelée deux ans plus tard, les deux taïkonautes Fei Junlong et Nie Haischeng resteront cinq jours en orbite. Maintenant que la Chine maîtrise suffisamment les technologies pour envoyer des hommes dans l’espace, elle s’attaque à la deuxième étape de son programme.
Deux ébauches de station
En septembre 2011 fut envoyé dans l’espace Tiangong 1, un prototype de station consistant en un module unique de huit tonnes. Trois missions y seront dédiées : Shenzhou 8 s’y amarra deux fois afin d’expérimenter la méthode d’amarrage, Shenzhou 9 et 10 quand à eux emporteront des équipages qui resteront chacun une dizaine de jours sur place. Par la suite, les autorités décidèrent de le maintenir en orbite jusqu’à ce que la station devienne officieusement hors de contrôle, se consumant dans l’atmosphère en 2018.
Le lancement de Tiangong 2 eut lieu en 2016. Similaire au premier du nom, la station fut occupée par l’équipage de Shenzhou 11 qui y resta 30 jours, un record pour l’époque tandis que le cargo Tianzhou 1 s’y amarra et la ravitailla. Elle connut le même sort que son prédécesseur en juillet 2019. Au final, ces deux stations expérimentales n’avaient beau qu’être provisoires, elles démontrèrent que la Chine maîtrisait les technologies nécessaires au maintien d’une station spatiale : sa construction, son ravitaillement, son occupation.


Début de construction
Le 29 avril 2021, à 11h23 du matin heure de Pékin, un lanceur lourd Longue Marche 5B (ou CZ-5B) s’élance de la base de lancement de Wenchang, située sur l’île d’Hainan au sud du pays. En son sommet, le premier module de la Chinese Space Station, Tianhe : 16 mètres de longueur pour 4 mètres de diamètres, une masse de 22 tonnes. A compter de ce jour, onze lancements au minimum sont prévus pour l’assemblage complet de la CSS.
Trois minutes après le décollage, les quatre boosters se détachent du corps de la fusée, puis à T-9min, l’étage principal délivre sa charge utile. Celui-ci cependant deviendra incontrôlable et restera plus d’une semaine en orbite avant de rentrer sur Terre, avant que ses débris ne plongent dans l’océan Indien. Deux heures après son lancement, le module déploie ses rangées de panneaux solaires et les autorités chinoises annoncent alors la réussite de la mission. Ce n’est qu’un mois plus tard, le cargo Tianzhou 2 s’amarre à Tianhe et le ravitaille, en attendant l’arrivée de ses premiers taïkonautes..

A quoi ressemblera la CSS ?
Son assemblage achevé, la Chinese Space Station sera une station spatiale modulaire de troisième génération, c’est à dire similaire à Mir et à l’ISS. Comme ces dernières, elle évoluera en orbite basse, aux alentours des 400 kilomètres d’altitude. D’une masse de 80 à 100 tonnes, en forme de « T », constitué de trois modules pressurisés (peut-être six à l’avenir), cette station que l’on peut nommer « Tiangong 3 », fera au total une quarantaine de mètres et restera dans l’espace pendant 10 ans, probablement plus longtemps. Cinq à six fois plus petite que l’ISS, elle n’accueillera en permanence que trois astronautes, un chiffre qui pourra monter à six.

La mission Shenzhou 12
Pour la première fois depuis cinq ans, des taïkonautes s’envolent dans l’espace, en direction de la station Tiangong (« palais céleste » en mandarin). En effet, la mission Shenzhou 12 débuta le 17 juin 2021 : en haut de la Longue Marche 2F se trouvaient ses membres, à savoir le commandant Nie Haisheng, Liu Boming et Tang Hongbo. Le vaisseau Shenzhou s’est automatiquement amarré au module Tianhe tel que prévu, et les taïkonautes sont rentrés à l’intérieur.
Ce vol habité représente le septième pour la Chine, qui a jusque là respecté son calendrier des lancements. La mission de Nie, Liu et Tang doit durer trois mois, et plus de la moitié de cette durée est déjà écoulée. Leur première semaine à bord fut particulièrement éprouvante : il fallait s’installer, gérer les ravitaillements, établir la connexion avec le sol, s’occuper de la logistique… Les taïkonautes, en plus des deux sorties extravéhiculaires déjà organisées, sont en charge de l’installation du bras robotique, la maintenance de la station, la réalisation d’expériences, la vérification du système de survie.
Ses fonctions, son devenir
Tiangong sera cinq fois plus petite que l’ISS, mais n’en demeure pas moins une réussite technique et technologique de la part de la Chine, qui prend sa revanche. En effet, exclue du programme de collaboration de l’ISS par les Etats-Unis, la Chine bénéficie maintenant d’une présence permanente dans l’espace. Prévue pour durer au moins dix ans, la CSS pourrait bien succéder à l’ISS, dont la durée de vie, bien que maintes fois repoussée, arrive bientôt à son terme. Sa mise à la retraite de l’ISS, officiellement prévue en 2024 ou 2028, lorsque les accords de financements devraient cesser, la station chinoise pourrait bien devenir la seule.

Expériences et recherche scientifiques
Quoi qu’il en soit, la construction de sa propre station représente pour la Chine une occasion rêvée pour mener des recherches, portant sur des domaines aussi variés que l’astronomie, l’observation terrestre, la vie en microgravité, la physique, etc. Tiangong disposera d’une vingtaine d’emplacements pour ses expériences en intérieur et d’une cinquantaine en extérieur. La Chine aurait également approuvé plus de mille expériences à mener en orbite. Elle aurait de plus accepté, en collaboration avec les Nations Unies et la communauté internationale, neuf expériences (dont trois sous conditions) provenant de 23 institutions de 17 pays différents.
Parmi elles, POLAR-2 étudiera les rayons gamma originaires de l’espace lointain et leur polarisation ; ce projet voit quatre pays impliqués : la Suisse, l’Allemagne, la Pologne et la Chine. Tumours in Space vise à comprendre l’effet de la microgravité sur l’évolution des tumeurs et du rayonnement cosmiques sur les risques de cancer. L’instrument indo-russe SING cartographiera le ciel en spectrographie ultraviolette. Vous l’aurez compris, la CSS sera véritablement un « terrain de jeu » pour les chercheurs et les astronautes, ces derniers ne seront pas que chinois, la Chine ayant émis le souhait de voir des étrangers occuper Tiangong.
A l’heure actuelle, les plans de la Chine se déroulent parfaitement. Si l’on s’en tient à son programme, Tiangong sera achevée fin 2022, et deviendra ainsi un fleuron de la technologie et de l’innovation chinoise. Non seulement les taïkonautes pourront y mener de nombreuses expériences, mais en plus la Chinese Space Station symbolisera la présence et la domination chinoise en orbite. Les rêves de cette nouvelle puissance spatiale se réalisent petit à petit, mais la Chine compte bien aller encore plus loin dans sa soif d’exploration et de progrès…
Dorian
Bonjour les Terriens, comme vous l’aurez constaté, aujourd’hui c’est un article spécial écrit en collaboration avec le site internet « Space Tales », geré par Dorian, passionné par le secteur spatial depuis son plus jeune âge ! Vous retrouverez Dorian et ses articles à l’adresse suivante : https://Space-Tales.blogspot.com/, que je vous invite à aller découvrir sans tarder, abonnez-vous aussi à ses pages Twitter (@Space_Tales) et Instagram (spacetalesblog) !
Quentin
