LE BLOB: l'étrange compagnon de voyage de Thomas Pesquet

Au cours de sa mission Alpha, Thomas Pesquet recevra à bord de l’ISS la visite d’un compagnon de voyage à la fois étrange et attachant: le blob. Difficilement classable dans le monde animal, cet organisme unicellulaire qui peut atteindre plusieurs mètres présente sur Terre des capacités d’adaptation étonnantes. Qu’est-ce qu’un blob et pourquoi ira-t-il dans l’espace?

Le blob: d’où vient son nom?

La première apparition du blob dans les médias remonte aux années 1970. Nous sommes alors aux États-Unis, dans la banlieue de Dallas, lorsque Mary Harris trouve dans son jardin une “chose” de la taille d’un grand cookie jaune. Paniquée, la texane pense avoir affaire à un organisme extra-terrestre. En tentant de s’en débarrasser, elle constate que la substance rampante double de taille en à peine 24 heures, et fusionne lorsqu’elle est coupée en deux. Intrigués, les journaux reprennent l’histoire et surnomment le mystérieux organisme d’après un film d’horreur de l’époque: le blob.

"Quand j’ai vu le blob pour la première fois, ça n'a pas été un coup de foudre: ça ressemblait à une vieille omelette et je n’ai pas été transportée pour être honnête."
Audrey Dussutour
Audrey Dussutour
Chercheuse au CNRS
1958: THE BLOB
Affiche du film "le Blob", paru en 1958. "Indescriptible... Indestructible! Rien ne peut l'arrêter!"
Audrey Dussutour
Depuis dix ans, la chercheuse Audrey Dussutour observe les comportements du blob qu'elle a découvert en Australie. (Crédits: CNRS)

Le blob: késako?

Vous vous en doutez, malgré son apparence douteuse, le blob n’est bien entendu pas un extra-terrestre. Pour comprendre son origine, il faut refaire un peu de biologie. Dans le monde du vivant, le blob fait en fait partie des eucaryotes, c’est-à-dire l’ensemble des organismes (unicellulaires ou pluricellulaires) dont le matériel génétique est protégé par un noyau. Pourtant, le Physarum polycephalum (de son nom d’espèce) n’est ni un animal, ni une plante.

Audrey Dussutour
Depuis dix ans, la chercheuse Audrey Dussutour observe les comportements du blob qu'elle a découvert en Australie. (Crédits: CNRS)

Où vivent les blobs sur Terre?

Longtemps considéré à tort comme un champignon, le blob est en réalité un myxomycète, une classe apparue sur Terre il y a environ un milliard d’années. Très sensible à la lumière et aux UVs, les blobs forment une masse gélatineuse appelée plasmode, et vivent souvent à l’ombre de nos forêts. De couleur jaune, rouge ou noire, ils se développent sur les écorces d’arbres humides ou dans le composte de nos jardins.

Le blob au Bois de Vincennes
Depuis 2019, cette curiosité biologique composée d’une unique cellule est exposée au zoo de Vincennes. Crédits: Stephane de Sakutin/AFP
Le blob au Bois de Vincennes
Depuis 2019, cette curiosité biologique composée d’une unique cellule est exposée au zoo de Vincennes. Crédits: Stephane de Sakutin/AFP
Schéma d'un plasmode
Pour se développer, le blob ne divise pas sa cellule: ce sont ses noyaux qui se multiplient. Crédits: vikidia.org/TimTim
"Un chien reste un chien et une bactérie restera toujours une bactérie. Mais le Physarum, lui, est comme un "transformer"! Un transformer biologique naturel!"
Hans Günther Döbereiner
Biophysicien à l’université de Brême

De quoi est fait le blob?

Si le blob semble être un organisme basique, son plasmode abrite pourtant un matériel génétique étonnamment riche: 40 paires de chromosomes et 34 000 gènes (contre 23 paires de chromosomes et 20 000 gènes chez l’Homme). Pour rappel, la taille moyenne d’une cellule animale ou végétale varie entre 10 et 100 µm. Parce qu’elle possède de multiples noyaux, l’unique cellule qui compose le Physarum peut atteindre des dimensions records: jusqu’à 10 mètres carrés!

Schéma d'un plasmode
Pour se développer, le blob ne divise pas sa cellule: ce sont ses noyaux qui se multiplient. Crédits: vikidia.org/TimTim

Comment se déplace-t-il?

En observant le blob au microscope, on découvre que l’intérieur de sa cellule est parcouru par un réseau de veines composées de fibres d’actine et de myosine: autrement dit, des protéines musculaires. En contractant ces structures, le Physarum génère des pulsations dans son liquide cytoplasmique (l’équivalent du “sang” des cellules) qu’il utilise ensuite pour se déplacer en rampant à des vitesses allant de un à quatre centimètres par heure.

Le blob en action, pompant son cytoplasme pour se déplacer. Crédits: Scott Chimileski/Roberto Kolter
Le blob en action, pompant son cytoplasme pour se déplacer. Crédits: Scott Chimileski/Roberto Kolter
Les veines du blob
Gros plan sur les veines cytoplasmiques du blob. Crédits: Scott Chimileski/Roberto Kolter
Animation accélérée d'un blob en train de se déplacer. Crédits: YouTube/Heather Barnett - The Physarum Experiments
Le blob s'échappe
S'il n'est pas assez nourri, le blob finit par s'échapper de sa boîte de pétri pour partir à la recherche d'une nouvelle source de nutriments. Crédits: Flickr/Seiya Ishibashi

Comment se nourrit le blob?

S’il y a bien une chose pour laquelle le blob peut se déplacer, c’est la nourriture. Dans la nature, il s’alimente essentiellement de bactéries, de levures et de champignons, en utilisant le procédé de la phagocytose. À la recherche de nutriments, le Physarum peut doubler de taille toutes les 24 heures, et les scientifiques se sont rendu compte qu’il adore tout particulièrement les flocons d’avoine. En laboratoire, le plasmode peut être séché pour former une sclérote: cette forme dormante du blob lui permet d’hiberner pendant presque deux ans avant d’être réhydraté!

Le blob s'échappe
S'il n'est pas assez nourri, le blob finit par s'échapper de sa boîte de pétri pour partir à la recherche d'une nouvelle source de nutriments. Crédits: Flickr/Seiya Ishibashi

Le blob est-il intelligent?

Une fois que Physarum a exploré une zone sans y trouver de nutriments, il laisse sur son passage une trace chimique rappelant au blob de ne pas y retourner. Crédits: Scott Chimileski/Roberto Kolter

Considéré comme le grand maître des blobs, le professeur Toshiyuki Nakagaki a démontré avec plusieurs expériences simples que le Physarum polycephalum se développe avec une certaine forme d’intelligence. En se déplaçant, la cellule géante laisse derrière elle un mucus qui agit comme un auto-répulsif, lui évitant ainsi de passer deux fois au même endroit. Cette caractéristique, comparable à une sorte de mémoire externe, lui permet notamment de sortir de petits labyrinthes et de développer son réseau de veines de manière optimale.

"Le blob peut sortir d’un labyrinthe, il peut résoudre et optimiser des réseaux, anticiper des événements, équilibrer son régime alimentaire, naviguer, interagir avec ses congénères. Il peut apprendre. Il double de taille tous les jours et il est immortel."
Audrey Dussutour
Audrey Dussutour
Chercheuse au CNRS
"Le blob peut sortir d’un labyrinthe, il peut résoudre et optimiser des réseaux, anticiper des événements, équilibrer son régime alimentaire, naviguer, interagir avec ses congénères. Il peut apprendre. Il double de taille tous les jours et il est immortel."
Audrey Dussutour
Audrey Dussutour
Chercheuse au CNRS
Expérience du pont salé
Une expérience "entraîne" les blobs à passer sur un pont de sel (une matière qu'ils évitent normalement dans la nature) pour accéder à leur nourriture. Crédits: CNRS

Quels bénéfices pour la science?

Expérience du pont salé
Une expérience "entraîne" les blobs à passer sur un pont de sel (une matière qu'ils évitent normalement dans la nature) pour accéder à leur nourriture. Crédits: CNRS

Pour se nourrir, le blob sécrète des antibiotiques qui pourraient un jour servir en médecine pour combattre les infections bactériennes chez l’Homme. Exposé à des substances qui lui sont habituellement nocives (comme le sel), le Physarum développe de nouvelles résistances qu’il peut apprendre ou transmettre par simple contact avec un congénère, une propriété intéressante pour les chercheurs qui étudient l’intelligence minimale. Enfin, certains cousins du blob sont capables d’ingérer des métaux lourds, comme le zinc ou le manganèse, et pourraient donc un jour servir à dépolluer nos sols.

Pourquoi envoie-t-on un blob dans l’espace?

Pour mettre au défi les capacités d’adaptation étonnantes de la cellule géante, le CNES et le CADMOS ont imaginé l’expérience éducative “blob-Terre”. Au cours de son second séjour de six mois à bord de l’ISS, Thomas Pesquet recevra en juillet plusieurs blobs endormis sous la forme de sclérotes. Reproduite dans 2 000 écoles, l’expérience doit faire connaître aux étudiants cet organisme étonnant, attirer les jeunes vers les carrières scientifiques, et communiquer sur les enjeux et les applications du spatial. De son coté, l’astronaute de l’ESA observera en orbite basse l’impact de la micropesanteur et des radiations sur le comportement de la cellule géante. 

Comment le blob réagira-t-il à l’apesanteur? Va-t-il explorer la troisième dimension? Le Journal De l’Espace ne manquera pas de vous faire suivre les résultat de cette expérience passionnante, à suivre sur le blog mais aussi sur Instagram et YouTube!

Pierre-Henri Le Besnerais

"Dans le cadre de ma nouvelle mission Alpha, je vous propose d’adopter un blob. [...] L’idée c’est de mesurer l’effet de l’impesanteur sur le comportement du blob. [...] Cet organisme n’a pas de cerveau mais il est doté de capacités d’adaptation hors du commun"
Thomas Pesquet
Astronaute de l’ESA