Mars, une planète stérile?

Il y a trois jours, le Journal De l’Espace vous présentait l’histoire de la planète Mars au travers des civilisations avant de détailler les caractéristiques de son atmosphère (Pour lire le premier article, cliquez ici!). Aujourd’hui, nous poursuivons notre voyage sur la quatrième planète du système solaire pour répondre aux questions suivantes: Mars est-elle une planète réellement inerte? Qu’en est-il de la présence d’eau sur Mars?

Il y a trois jours, le Journal De l’Espace vous présentait l’histoire de la planète Mars au travers des civilisations avant de détailler les caractéristiques de son atmosphère. Aujourd’hui, nous poursuivons notre voyage sur la quatrième planète du système solaire pour répondre aux questions suivantes: Mars est-elle une planète réellement inerte? Qu’en est-il de la présence d’eau sur Mars?

Nuages martiens
Nuages de cirrus dans l'atmosphère martienne. Bien que présents en moindre importance que sur Terre, les nuages martiens jouent un rôle essentiel dans le climat de cette planète, et ont peut-être maintenu Mars suffisamment chaude pour que l'eau liquide puisse sculpter sa surface. ©Mars Exploration Rover Mission/Cornell/JPL/ NASA

De gigantesques tempêtes de poussière

Comme on l’a vu dans la première partie de ce dossier, notre voisine connaît des saisons similaires à celles de notre Terre et la surface de Mars vit au rythme de différents évènements climatiques: en hiver, les températures glaciales précipitent le gaz carbonique sous forme de neige, tandis qu’en été, la neige carbonique se transforme en gaz pour former des courants d’air créant parfois de violentes tempêtes de poussière. 

Nuages martiens
Nuages de cirrus dans l'atmosphère martienne. Bien que présents en moindre importance que sur Terre, les nuages martiens jouent un rôle essentiel dans le climat de cette planète, et ont peut-être maintenu Mars suffisamment chaude pour que l'eau liquide puisse sculpter sa surface. ©Mars Exploration Rover Mission/Cornell/JPL/ NASA
Tempête de poussière sur Mars
La caméra stéréo haute résolution de la sonde européenne Mars Express a capturé cet impressionnant front de nuages de poussière - visible dans la moitié droite du cadre - près de la calotte glaciaire du pôle nord de Mars en avril 2018. ©ESA/DLR/FU/Berlin
Cette image montre une tempête de poussière qui a englouti Mars en 2001. Les deux images ont été prises à environ un mois d'intervalle. ©NASA/JPL-Caltech/MSSS

Des aurores boréales sur Mars?

En 2018, un événement similaire a malheureusement mis fin à la mission d’Opportunity en privant le rover de sa source d’énergie, plongé dans l’obscurité pendant une tempête de sable qui aura duré trois mois.

Plus haut dans l’atmosphère, et malgré l’absence d’un champ magnétique global, la sonde européenne Mars Express a même détecté des indices prouvant l’existence d’aurores boréales. Bien que le phénomène n’ait encore jamais été photographié, la NASA a confirmé la découverte de l’ESA dix ans plus tard, grâce aux mesures de l’orbiteur MAVEN.

 

Cette image montre une tempête de poussière qui a englouti Mars en 2001. Les deux images ont été prises à environ un mois d'intervalle. ©NASA/JPL-Caltech/MSSS
Carte du champ magnétique de Mars
Carte du champ magnétique de Mars observé par le satellite Mars Global Surveyor orbitant autour de la planète à une altitude de 400 km. Chaque pixel est coloré en fonction de la valeur du champ magnétique mesuré. Le travail de recherche de la sonde MAVEN doit mesurer les champs magnétiques et électriques de Mars pour étudier son interaction avec le vent solaire. ©Connerney et al. 2005

Mars, une planète dépourvue de champ magnétique

Comme on vient de l’évoquer, contrairement à la Terre, Mars ne possède donc pas de champ magnétique. Cependant, vers la fin des années 1990, la sonde Mars Global Surveyor (MGS) a permis de détecter un magnétisme fossile, “figé” lors de la formation de la croûte de l’hémisphère sud de Mars. En datant ces roches, on sait aujourd’hui qu’il y a quatre milliards d’années, la planète rouge était protégée des vents solaires par un champ magnétique global. 

Les scientifiques en déduisent donc qu’à cette époque, l’atmosphère de Mars aurait été plus dense et plus chaude par le passé, offrant par la même occasion des conditions favorables à l’existence d’eau liquide à sa surface.

 

Carte du champ magnétique de Mars
Carte du champ magnétique de Mars observé par le satellite Mars Global Surveyor orbitant autour de la planète à une altitude de 400 km. Chaque pixel est coloré en fonction de la valeur du champ magnétique mesuré. Le travail de recherche de la sonde MAVEN doit mesurer les champs magnétiques et électriques de Mars pour étudier son interaction avec le vent solaire. ©Connerney et al. 2005
Champ magnétique de Mars
Animation 3D du champ magnétique de Mars et de l'érosion subie par les vents solaires. ©YouTube/NASA Goddard/First Map of Mars Electric Currents

Des volcans
vertigineux

Comparaison entre le Mont Olympus et d'autres formations montagneuses du système solaire.
Image comparant le Mont Olympus avec le Mont Everest. ©Billy Lips/Pinterest

Mars et ses volcans vertigineux

Depuis l’envoi des premières sondes spatiales, on sait aujourd’hui que la surface de Mars porte de nombreuses séquelles d’un passé volcanique intense, à l’image de l’immense Mont Olympe, le plus haut volcan du système solaire. 

Découvert en 1879 par l’astronome italien Schiaparelli, le volcan géant s’étend sur 600 kilomètres de diamètre. 

120 ans plus tard, l’altimètre laser de la sonde MGS évalue l’altitude de son cratère à plus de 26 kilomètres au-dessus de la plaine de l’Amazonis Planitia, soit trois fois l’altitude de notre mont Everest!

Aujourd’hui, les scientifiques s’intéressent notamment aux tunnels formés par les coulées de lave et qui pourraient servir à abriter nos futurs astronautes du climat et des radiations martiennes.

 

Comparaison entre le Mont Olympus et d'autres formations montagneuses du système solaire.
Image comparant le Mont Olympus avec le Mont Everest. ©Billy Lips/Pinterest
Comparaison France vs Olympus
Image comparant la surface du Mont Olympus à celle de la France. ©https://www.emaze.com/@AZRCCRWI
Valles Marineris
Vue d'artiste du canyon de Valles Marineris ©deviantart.com/grafik
Carte de la topographie de Mars
Carte topographique de Mars élaborée à partir des mesures du Mars Orbiter Laser Altimeter (MOLA) de Mars Global Surveyor. ©NASA

Une topographie hors-norme

Au sud-est de cet “Everest martien”, les trois volcans de Tharsis Montes semblent monter la garde, culminant respectivement à 18, 14 et 20 kilomètres d’altitude. Plus à l’est encore, s’étend un gigantesque réseau de canyons entaillant la surface de Mars sur 8 kilomètres de profondeur: la Valles Marineris. Large de 4000 kilomètres, la faille géante porte le nom de la sonde américaine Mariner 9 qui l’a découverte en 1971. 

Contrairement au Grand Canyon américain, issu de l’érosion générée par le fleuve colorado, le grand rift martien serait probablement né suite aux perturbations causées par le volcanisme intense des régions voisines de Tharsis Montes dont on vient de parler.

Valles Marineris
Vue d'artiste du canyon de Valles Marineris ©deviantart.com/grafik

Des reliefs contrastés

À plus grande échelle, la topographie de Mars se caractérise par une différence flagrante entre ses deux hémisphères. 

Au sud se trouvent des hauts plateaux aux roches anciennes, criblés de d’impacts, et dont le plus grand cratère nommé Hellas Planitia forme une dépression de 2300 kilomètres de large pour plus de 7000 mètres de profondeur. 

 

Cette image montre un petit cratère de moins d'un kilomètre de diamètre dans la région d'Hellas Planitia. Le cratère aurait pu être rempli d'eau à une époque. ©NASA/JPL/UArizona
Vue aérienne des dunes d'Hellas Planitia
Vue aérienne des dunes d'Hellas Planitia. Un grand champ de dunes borde l'intérieur ouest de la plaine d'Hellas Planitia. Cette zone est situé à une altitude relativement basse comparée aux autres champs de dunes de Mars. Image prise par le Mars Reconnaissance Orbiter (MRO) orbitant autour de Mars à 258 km d'altitude. ©NASA/JPL/University of Arizona

Au nord s’étend le bassin boréal Vastitas Borealis, une gigantesque cuvette entourée de plaines immenses composées de matériaux géologiquement plus jeunes et dont la surface enfoncée est quasiment entièrement dépourvue de cratères d’impact. 

La surface de Mars ne présentant aucune trace d’activité tectonique, cette différenciation nord-sud aussi appelée dichotomie martienne, reste pour le moment un mystère pour les scientifiques.

 

Vue aérienne des dunes d'Hellas Planitia
Vue aérienne des dunes d'Hellas Planitia. Un grand champ de dunes borde l'intérieur ouest de la plaine d'Hellas Planitia. Cette zone est situé à une altitude relativement basse comparée aux autres champs de dunes de Mars. Image prise par le Mars Reconnaissance Orbiter (MRO) orbitant autour de Mars à 258 km d'altitude. ©NASA/JPL/University of Arizona

Le "Groenland"
de Mars

Schéma des calottes polaire de Mars
©Pierre Thomas Source: https://planet-terre.ens-lyon.fr/article/calotte-polaire-Mars-2008.xml
Schéma des calottes polaire de Mars
©Pierre Thomas Source: https://planet-terre.ens-lyon.fr/article/calotte-polaire-Mars-2008.xml
Photo aérienne de la calotte glaciaire de Mars
Une partie de la calotte glaciaire au pôle nord de Mars, photographiée le 16 novembre 2006 par la sonde Mars Express. Sur la partie gauche de l'image, on peut distinguer les signes de vents forts et d'activité orageuse. ©ESA/DLR/FU Berlin

Les calottes polaires martiennes

Au nord comme au sud, Mars est coiffée d’une calotte polaire composée de glace d’eau et de neige carbonique. Durant l’été, le CO2 des pôles se sublime et réduit de deux tiers la surface de glace, laissant derrière ce que l’on appelle la calotte résiduelle, comparable à un mille feuille de poussière et de glace d’eau. 

Lorsque l’hiver arrive, les températures chutent et le CO2 atmosphérique se condense en neige carbonique pour recouvrir les pôles d’un manteau d’un mètre d’épaisseur. Grâce aux données recueillies par l’altimètre de la sonde MGS, on sait que les calottes résiduelles mesurent entre un et trois kilomètres d’épaisseur, soit un volume total d’eau équivalent à notre calotte groenlandaise. 

Par ailleurs, la sonde Mars Express a détecté la présence de grandes quantités de glace enfouies à proximité du pôle sud ainsi que de la présence de glace d’eau dans le fond d’un cratère à proximité du pôle nord.

Schéma des calottes polaire de Mars
©Pierre Thomas Source: https://planet-terre.ens-lyon.fr/article/calotte-polaire-Mars-2008.xml
Schéma des calottes polaire de Mars
©Pierre Thomas Source: https://planet-terre.ens-lyon.fr/article/calotte-polaire-Mars-2008.xml

Y'a-t-il de l'eau sur la planète Mars?

Illustration du cratère de Jazero inondé
Cette illustration montre le cratère Jezero - le site d'atterrissage du rover Mars 2020 Perseverance - tel qu'il aurait pu être il y a 3 à 4 milliards d'années. Il s'agissait alors d'un lac raccordé à un bras de rivière. Un des objectifs clés de la mission de Perseverance sur Mars sera centré sur l'astrobiologie pour rechercher des signes d'une ancienne vie microbienne sur Mars. ©NASA/JPL-Caltech

Y-a-t-il de l’eau liquide sur Mars?

Aujourd’hui, presque la quasi-totalité de l’eau que l’on trouve sur Mars est stockée sous forme de glace. Bien que les températures y soient parfois positives en été, il est impossible de trouver de l’eau pure à l’état liquide à sa surface. 

En effet, la pression atmosphérique martienne est si faible que lorsque de la glace d’eau “fond”, les molécules passent instantanément à l’état gazeux sans passer par l’état liquide: on appelle ce phénomène la sublimation

Malgré cela, la sonde européenne Mars Express a découvert la présence d’un lac de 20 kilomètres de large, enfoui à quelque 1500 mètres de profondeur. Une forte concentration en sels permettrait à la réserve d’eau souterraine repérée par la sonde européenne de rester à l’état liquide malgré les températures négatives.

 

Evolution de la glace sur Mars
Cette animation de photos montre l'accumulation de gelées dans une section de 73 x 41 km de la calotte glaciaire polaire nord de Mars entre novembre et décembre 2004. Les images ont été prises par la caméra stéréo haute résolution de la sonde Mars Express de l’ESA au cours de la première année de sa mission. La calotte polaire nord est formée de couches successives composées de dépôts de glace mélangés à de la poussière. ©ESA/Mars Express
Illustration du cratère de Jazero inondé
Cette illustration montre le cratère Jezero - le site d'atterrissage du rover Mars 2020 Perseverance - tel qu'il aurait pu être il y a 3 à 4 milliards d'années. Il s'agissait alors d'un lac raccordé à un bras de rivière. Un des objectifs clés de la mission de Perseverance sur Mars sera centré sur l'astrobiologie pour rechercher des signes d'une ancienne vie microbienne sur Mars. ©NASA/JPL-Caltech
Vue d'artiste de la planète Mars il y a 4 milliards d'années
Dessin d'artiste montrant à quoi ressemblait Mars il y a environ quatre milliards d'années. La jeune planète aurait eu suffisamment d'eau pour couvrir toute sa surface sur environ 140 mètres de profondeur. Il est probable que l'eau se soit accumulée pour former un océan occupant près de la moitié de l'hémisphère nord de Mars pour atteindre des profondeurs proches de 1,6 km par endroits. ©ESO/M.Kornmesser/N.Risinger

Pourquoi vouloir aller sur Mars?

Si Mars semble aujourd’hui être un milieu particulièrement hostile au développement de la vie, il y a 3,5 milliards d’années, la planète rouge était donc très proche de notre Terre: les deux planètes étaient protégées des radiations solaires par leur champ magnétique global et en grande partie couvertes d’eau liquide. 

A cette époque, le cratère choisi pour poser la mission Mars 2020 était d’ailleurs inondé et ressemblait au lac californien de Tahoe, le plus grand lac de montagne d’amérique du nord. Si Mars était si proche de notre planète bleue quand les premiers êtres vivants s’y développaient, la vie aurait-elle aussi pu naître sur notre voisine rouge?

Vue d'artiste de la planète Mars il y a 4 milliards d'années
Dessin d'artiste montrant à quoi ressemblait Mars il y a environ quatre milliards d'années. La jeune planète aurait eu suffisamment d'eau pour couvrir toute sa surface sur environ 140 mètres de profondeur. Il est probable que l'eau se soit accumulée pour former un océan occupant près de la moitié de l'hémisphère nord de Mars pour atteindre des profondeurs proches de 1,6 km par endroits. ©ESO/M.Kornmesser/N.Risinger

2021, une année
résolument martienne

Missions vers Mars
Récapitulatif de toutes les missions à destination de la planète rouge. ©ESA

Février 2021: trois missions pour Mars

Pour répondre à ces questions, l’Homme a tenté d’envoyer pas moins d’une cinquantaine de missions vers la planète rouge, dont plus de la moitié ont échoué. Aujourd’hui encore, poser un rover sur Mars reste donc un challenge technologique. 

En patientant d’ici l’arrivée du rover chinois (prévue dans trois mois) et le départ de la mission russo-européenne Exomars (prévu pour 2022), le successeur de Curiosity doit explorer le cratère de Jazero autrefois rempli d’eau pour y rechercher des traces d’une vie passée et prélever les premiers échantillons de sol martiens qui devraient revenir sur Terre d’ici 2031.

En attendant, le Journal De l’Espace vous donne rendez-vous sur la page instagram @journal.espace pour découvrir prochainement les premières images haute définition de l’atterrissage hors-norme du rover Perseverance !

Pierre-Henri Le Besnerais

Missions vers Mars
Récapitulatif de toutes les missions à destination de la planète rouge. ©ESA